Dialoguons avec nos personnages…
« On ignore tout d’eux, mais d’emblée on sent qu’ils vont durablement imposer leur présence.
… ce sont des dormeurs clandestins nourris de nos rêves et de nos pensées. » Sylvie Germain
« Chacun crie en silence pour être lu autrement » Simone Weil
LES PERSONNAGES
Du papier au plateau, du plateau au papier …
au fil des jeux d’écriture et des mises en voix,
nos personnages ont peu à peu pris corps
dans l’encre de nos mots.
QUAI n°4
« Hola no estoy aqui por favor deja un mensaje, c’est Aldo vous êtes sur mon répondeur laissez-moi votre message après le BIP. »
BIP
Marguerite Monsieur Aldo, c’est Marguerite, Marguerite Dupond, nous nous sommes rencontrés la semaine dernière, quai 4 ! Vous vous souvenez de moi ? Excusez-moi de vous déranger peut-être êtes-vous là à la gare ? A votre travail ?… Je vois le train qui brille, c’est vous qui avez dû le nettoyer ! Celui à destination de Madrid ! Je suis là, quai 4. Dans 20 min mon train va partir… je dois partir pour le week-end et… et j’ai deux billets aller-retour ! Un collaborateur devait m’accompagner pour le salon international où nous devions traduire. Vous vous souvenez, je suis traductrice !? Ah mais… Peut-être que vous ne vous souvenez pas de moi… Nous nous sommes croisés plusieurs fois, je voyage souvent. Quai 4, la semaine dernière nous avions regardé tous les deux la petite fleur qui a poussé au pied du poteau électrique. Je devais me rendre à Madrid, vous étiez-là, en bleu de travail et moi avec ma valise… on a regardé la même fleur, c’était une petite pâquerette… et vous m’avez raconté… vous avez envie de retourner en Espagne, dans votre pays. J’ai un billet de trop dans les mains ! Rappelez-moi vite si vous entendez ce message ! Le train part bientôt ! Je n’aime pas voyager seule. J’aimerais vous… vous offrir ce billet. Venez, partez avec moi ! Vite ! J’espère que vous n’êtes pas loin… Peut-être là, quai 3 ou sur le quai 2 ? A travailler ?! Peu importe ! Ou… peut-être êtes-vous chez vous. Alors venez vite je vous attends. Le train est déjà à quai, je vous attends devant la voiture 5. Les places 22 et 23… Le train part dans… dans 17 min à 12h37. J’espère que vous n’entendrez pas ce message trop tard. Je vous attends… Je m’excuse de vous déranger… vous m’avez laissé votre numéro la semaine dernière alors… je vous appelle. Peut-être que…
BIP BIP BIP
Sur le quai 4, il est 12:20 devant la voiture 5 du train 3052 à destination de Madrid.
Marguerite tourne en rond…
Marguerite Est-ce qu’il va venir ?
On se connaît à peine… je n’aurais peut-être pas dû !
Ce n’est pas mon genre… pourquoi j’ai laissé ce message sur son répondeur ?!
Aldo arrive en courant
Aldo Mme Dupond !
Marguerite Aldo !
Aldo Marguerite !
Marguerite Vous… vous avez entendu mon message ?? Je m’excuse, enfin je, comment dire… je…
Aldo J’ai compris, inutile d’en dire plus ! Il nous reste à peine 10 min avant de partir… de partir à l’aventure !
Marguerite (dévisageant Aldo de haut en bas)
Mais vous travaillez aujourd’hui ?? Vous ne pouvez pas partir !
Aldo J’ai été invité !
Marguerite C’est de la folie, ce n’est pas raisonnable !
Aldo Cela fait des années que je rêve de partir ! !
Marguerite Voyons, c’est insensé, si l’on vous trouve dans le train alors que vous devriez être sur le quai.
Aldo (interrompant Marguerite)
S’il le faut je nettoierai les wagons pour rester avec vous !
Marguerite Mais dans quelle histoire je me suis embarquée !
Aldo Madame Dupond, Marguerite, cela fait tant de semaines, de mois que je vous vois, chaque semaine monter dans ce train. Je vous envie. A votre retour je vous revois à nouveau… avec votre démarche si élégante !
Marguerite Mais se sont des déplacements professionnels, j’ai un séminaire très important, je vais travailler.
Aldo Peu importe, je vous suis !
Marguerite Je ne serai pas disponible en journée.
Aldo Je vous attendrai le soir !
Marguerite C’est de la folie, ce n’est vraiment pas raisonnable de partir.
Aldo Qu’est-ce qui nous en empêche ? Vous avez les billets !
Marguerite Savez-vous qu’à force de parler je vais manquer mon train !
Aldo (prenant la main de Marguerite) Alors, arrêtons de parler ! Basta !
La vie file si vite, nous avons assez perdu de temps, il est l’heure… vite, le train va partir ! Courrons !!
Aldo et Marguerite montent à (en) toute hâte dans la voiture 5… s’installent places 22 et 23.
« Le train n° 3052 à destination de Madrid va partir. Attention à la fermeture des portes. »
Martine
E-GARE-MENT
Le taxi me dépose à la gare. Je suis en avance. Le hall est bondé. Les enfants s’éparpillent en criant d’excitation. Les groupes se comptent et se recomptent : « tout le monde est là ? » Partout le stress : « as-tu les billets ? »
Moi, je fends la foule, tranquillement, à mon rythme. Un coup d’œil sur l’écran affichant les départs, compostage du billet et je monte au quai indiqué.
Ah, l’odeur des gares ! un mélange vraiment très spécial. Le lieu est magnifique. L’immense verrière conçue par Gustave Eiffel laisse passer la lumière du jour à travers sa dentelle de métal. Une énorme horloge égrène le temps. Le train entre en gare. Je suis rassurée. Tout est bien.
MESSAGE EXPRESS
Mona, c’est Léo. Je viens d’arriver au relais hippomobile de Vérone. Le temps presse. Dès que tu reçois ce message, s’il-te-plaît, remets de suite ta réponse au messager que j’ai expressément mandaté et grassement payé pour cette mission.
Mona, je suis sur le départ pour la France, mes bagages sont prêts et plus aucune nouvelle de toi depuis deux jours !
Comme je te l’avais déjà demandé, veux-tu te joindre à moi pour cette folle aventure ? Je t’en supplie, dis oui. Je ne peux partir sans toi… D’ailleurs, je te préviens, si tu restes c’est toi qui devras éponger mes nombreuses dettes. Alors, fichtre, tu ne peux dire non car les créanciers frapperont à ta porte pour te dépouiller de tous tes biens. Mona, viens, mon cœur se brisera si tu refuses. Je me mets à genoux en attendant le retour du messager. Ton Léo
UN DÉPART MOUVEMENTE
Léo – Ô ciel, te voilà mon ange !
Mona – ô Léo, je ne pouvais t’abandonner, comment pourrais-je vivre sans toi ? Tu aurais pu me prévenir plus tôt, ce n’est pas très élégant de ta part de précipiter ce départ ! Tu me vois tout essoufflée, tremblante et suante. Allons, il est temps de charger mes bagages !
Léo – Mais… as-tu perdu la tête ? Nous ne pouvons emporter tout ce chargement ! D’abord mon matériel de peinture in-dis-pen-sable pour réaliser mes œuvres ! C’est pour cela que je pars, non ? J’ai une haute mission à accomplir… alors que toi…
Mona – Comment ça, une haute mission ? Et moi alors, je ne compte pas ? Si je dois poser pour tes tableaux ce n’est pas en haillons, non ?
Léo –Six malles ! Mais tu veux faire rendre l’âme à notre attelage ! Sais-tu le prix que me coûte ce voyage ?
Mona – Puisque tu es invité par le roi de France, il n’a qu’à le payer ce voyage! Et n’oublie pas que musicienne je suis donc mes instruments de musique sont aussi importants et in-dis-pen-sables que ton attirail de peinture, Môssieur Léonard ! Et d’ailleurs, si tu continues ainsi nous allons manquer le départ de notre diligence !
Léo – Tenez cocher, voici 100 florins d’or, chargez toutes ces malles sinon nous ne partirons jamais ! Nous sommes attendus que diantre !
Mona – Et comme dirait l’autre : qui veut aller loin ménage sa monture. Allez, fouette cocher, je vois au loin les huissiers se rapprocher !
Lisbeth
Prévenir
Sissi et Marie-Louise ont de l’affection l’une pour l’autre. L’une paie l’autre pour un service.
Un service professionnel qui s’est transformé en une habitude de vie, elles font chacune partie de la vie de l’autre.
Sissi la taxi, à Marie-Louise par téléphone
Son de la sonnerie dans le vide, personne ne décroche.
Répondeur. ( vous êtes bien sur le répondeur du 06 32 27 80 99 )
Mi agacée, mi embarrassée
Bon…Marie-Louise…
Bonjour C’est Sissi, c’est le taxi.
Rô…répondeur. Alors, euh…comment dire…Je vais arriver à Gare du Nord…mais en retard….
Je suis coincée dans les bouchons…
A voix basse :
Je n’arriverai peut-être pas..aujourd’hui
Enfin, euh je n’arriverai peut-être pas à temps pour le train de 14h03.
Bon …Marie-Louise…Vous prendrez le train suivant, d’accord ?
Se parle à elle-même
Et l’autre là… qui me passe devant, sans clignotant. Tuuuuuuut ( avertisseur sonore )
A voix haute
Attendez-moi au café Michel. J’irai vous chercher là-bas. Vous savez chez Michel, à l’angle, à l’entrée.
Se parle à elle-même
Et un autre qui recommence, et lui qui traverse, il veut se faire tailler un short.
A voix haute
Tiens, c’est vous qui me l’avez apprise celle-là… »Tailler un short »
Allez, pas d’inquiétude Marie-Louise. Vous l’aurez votre train pour aller chez Madeleine.
Pis, comme vous dites « l’homme pressé est un homme mort…et la femme pressée, bah elle meurt avant l’homme ».
Alors…disons qu’aujourd’hui, on va profiter de la vie.
Bon, Culmont-Chalindrey, c’est la Haute-Marne, pas San Francisco, en 2h vous y êtes.
Râlant Et voilà…une trottinette maintenant
Passe à la radio une chanson de Charles Aznavour : « Le temps, le temps, le temps et rien d’autre…le tien, le mien, celui qu’on veut nôtre…(bis)
Résignée
De toute façon, Marie-Louise, mon message…vous ne l’écouterez pas.
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Guérir
Sissi La Taxi, pressée, enjouée arrive au café chez Michel où l’attend Marie-Louise
– Youhouuuu ! Marie-Louise ! je suis là…Allons-y !
Je suis garée en double file. C’est parti. Allons-y.
Tu n’as qu’une seule valise aujourd’hui ?
Marie-Louise, triste, tête baissée, à voix basse
– J’ai raté le train de 14H03.
J’arriverai en retard chez Madeleine.
Sissi La Taxi, à voix haute, dans l’énergie du stress du retard, gesticule, heureuse d’être là et de voir Marie-Louise
– Oui tu as raté le train de 14h03. Mais tu auras celui de 15h24 !
Marie-Louise, Hésitante, déçue
-Madeleine l’avait prédit.
Sissi, amusée
-Aaahhh Madeleine et ses prédictions ! Mais Madeleine est capable de prédire que demain le soleil va se lever et que la nuit va tomber !
Marie-Louise, bougonne mais contente de voir Sissi
-Non, elle, elle sait…Elle sait qu’avec toi, je rate toujours les trains.
Sissi La Taxi, à bout de mots, pensant déjà à sa prochaine course…
– Je suis là ! Je suis venue !
Pour ma cliente préférée…
Se dirige vers la porte automatique
– Allez..Allons-y. Direction Gare de l’Est !
Marie-Louise, assise, immobile et lasse
– Avec Raimond, je ne ratais jamais les trains.
Sissi La taxi
– Mais pour toi, Raimond partait la veille…Il serait venu te chercher à Compiègne s’il le fallait..Raimond travaillait du lundi au dimanche. Il vivait dans son taxi. Et Raymond, lui, n’avait pas à composer avec trottinettes, vélib, et autres monoroues. »
Marie-Louise, d’un air interrogateur
-Tu as prévenu Madeleine ?
Sissi La taxi, rassurante, se prend la fermeture de la porte automatique du café
– J’ai prévenu Madeleine.
Marie-Louise
Tu sais que je n’aime pas attendre…
Je n’aime pas attendre à la gare.
Tu le sais ?
Sissi La taxi
Oui je le sais. Le vélo volé / réquisitionné…
Le pied du soldat dans le seau de miel. Les rires de tes frères et sœurs…Les soldats…ils avaient besoin de roues. Ton père, parti, avec le vélo. Dans cette gare.
Marie-Louise, rappelle sa vulnérabilité de personne âgée
– Je n’y vois plus clair. Je me souviens d’hier et j’ai déjà oublié aujourd’hui.
Sissi La taxi, gênée, blagueuse
– Ton esprit est vif Marie-Louise, mais parfois il se bloque… comme les bouchons à Paris, et les ruminations reprennent.
Marie-Louise
– Le train va-t-il partir à l’heure aujourd’hui ?
Elle regarde sa montre, machinalement. Elle n’y voit rien. Elle pense à Raimond. Elle se lève péniblement.
Sissi La taxi, empoigne la valise à roulette de Marie-Louise, lui tend son bras
– Oui il partira à l’heure, allons-y et comme dit Madeleine « Femme en retard,…boira jusque tard.»
Commentaires :
Je ne savais pas si je devais utiliser le vouvoiement ou le tutoiement entre les deux amies-clientes, qui se connaissent bien.
Marie-Aude
Sur un banc de gare, deux personnes, une femme d’une cinquantaine d’années, et un
jeune homme, tout juste majeur. Ils attendent un train. Proche d’eux, un piano, destinés
aux voyageurs musiciens, et actuellement occupé.
E : Eh bien … en voilà un passage particulièrement mal maîtrisé. Vraiment, je ne pensais
pas entendre un morceau de Chopin aussi … déchiqueté ? Non ce n’est pas le mot, pas du
tout. Au moins si c’était déchiqueté, il y aurait un peu d’attaque, d’élan, enfin quoi, un
peu de nerf mon garçon !
un temps
Allongé. Voilà, le mot que je cherchais. C’est étiré en longueur. Tout à fait assommant, ces
ralentis qu’il nous inflige. Bon, la position de la main est pas si mal, quoique … un peu relâchée du côté gauche. Un peu de travail mains séparées n’aurait pas fait de mal.
Décidément, ça ne dépasse cette habitude de mauvais musiciens, de croire que les émotions sauveront une technique bancale. Et voilà le résultat ! Des ralentis par ci, un usage immodéré de la pédale par là, non vraiment ça finit d’achever la bête !
elle soupire
Et voilà qu’il nous inflige maintenant le canon de Pachelbel ! Pitié ! Déjà que je ne raffole
pas de ces versions solos, à chaque fois l’exécution me laisse toujours pantoise. C’est mou ! C’est sentimental ! Il faut du rythme, de la rigueur, pour faire advenir le magnifique. Là … on reste sur notre faim. Rien à voir avec la version originale, la vraie ! Pas celle des mariages américains à la noix !
Enfin … c’est bien un truc de jeunes blancs becs. Insuffler de la sensibilité là où on peut, quitte à tout bâcler. Se laisser aller, indolent, au gré du vent, sans vraiment faire attention …
N : la coupe J’ai compris le message.
E : Ah ! Contente que ce soit le cas. J’avais peur que ça ne soit pas assez clair. Trop subtil
peut-être….
silence
N : A quelle heure est le train ?
E : 11h45
N : et quand arrivera-t-on à Londres ?
E : 14h25. J’ai appelé un taxi, il nous attendra devant la gare pour nous amener à l’hôtel.
N : Bien.
E : Pas de sortie ce soir. Il faudra que tu te concentres. Le concours est demain, je veux
que tu sois en forme.
N : D’accord.
E : Enfin. Encore faut-il que tu ne te dégonfles pas au dernier moment.
N : soupire
E : L’art de la fugue, tu sembles maîtriser en ce moment.
N : Bon ça suffit maintenant !
E : Pardon ?
N : ça … Je … J’aimerais que tu arrêtes ça maintenant. S’il te plait. Je vois bien que tu es
déçue …
E : Ah ça ! évidemment que je le suis ! Je ne sais pas comment ça pourrait être autrement.
Enfin Nathan ! Des heures, des années de travail acharné, à tout donner … Et tout ça
pour quoi ? Pour rien !
N : Pas pour rien quand même ….
E : Mais c’est tout comme ! Ce n’est pas comme si tu avais des projets pour lesquels tu renonçais ! Monsieur veut arrêter la musique ! Monsieur n’aime plus ce qu’il fait ! … Mais
surtout Monsieur n’a aucune idée à part ça ! Il veut tout lâcher sur un coup de tête voilà.
N : Non ! Non … Ce n’est pas comme ça.
E : ah oui ? Et je pourrais savoir sur quoi exactement je me trompe ?
N : Sur le coup de tête. silence ça fait un moment que j’y penses à vrai dire … des mois…
Peut-être des années. Ce n’est pas parce que je ne t’en parlais pas que ça n’existait pas !
Mais ça grandissait petit à petit. Il me fallait sans doute … juste le temps. Le temps de réaliser que contrairement à ce que je pensais, la vie n’était pas linéaire. Il y a quelques années, je n’aurai jamais vu les choses comme ça. Quand on a commencé à travailler ensemble, quand tu m’as prise sous ton aile. Je ne vivais que pour ça. Me perfectionner, m’élever, une marche après l’autre, la réussite à la fin, aussi abstrait que ça soit. Le conservatoire, les concerts, les disques, encore et encore … et puis … et puis …
E : eh bien quoi ?
N : Je ne sais pas. Tout ce que je sais c’est que j’ai soudainement eu un vertige. C’était … effrayant, voilà ce que c’était. Mais grisant aussi ! Comme si l’horizon s’ouvrait ! Jusque-là, j’avais toujours pensé le monde comme immuable, rigide, et monolithique. Et moi
aussi, je me voyais comme ça ! Une existence, parfaitement réglée, sans discontinuitée
Réglé comme ..
E : Du papier à musique ?
N : Voilà. En quelque sorte.
silence
E : quel ramassis de conneries.
Adèle
Message vocal
« Monsieur Meunier, c’est Madame Schmitt ! Excusez-moi de vous déranger, vraiment, je suis désolée ! Mais je ne sais pas comment m’en sortir toute seule. Je suis à la gare de Blainville sur l’Eau pour aller à Nancy. Vous savez, je vous en ai parlé hier. C’est pour mon caniche. J’ai ce rendez-vous chez le spécialiste vétérinaire à 11h, mais mon train de 9h38 est annulé à cause de la grève. Tous les taxis sont pris et je ne sais plus quoi faire. Mon Toutou, le pauvre, vous savez qu’il est mon seul compagnon de vie et à quel point il me tient à cœur. Mais avec cette insuffisance rénale, il risque de me quitter dans les jours qui viennent. Le docteur Barot m’a promis de lui faire un traitement qui peut le faire sortir de cette crise et qui n’est pas envisageable chez le vétérinaire de chez nous. Je suis vraiment triste, j’ai peur !!! C’était si difficile d’obtenir un rendez-vous en urgence, alors ce créneau à 11h… Je sais que vous vouliez jouer à la pétanque ce matin, mais vous êtes le seul à qui je puisse faire appel. Avec votre vélomoteur, on pourrait s’y rendre. J’ai Toutou dans sa box, je n’ai pas d’autres bagages, on pourrait y arriver à temps ! Vous pourrez même contourner la manifestation près de la gare à Nancy, la clinique vétérinaire n’est pas loin ! Je vous en supplie, Mr. Meunier, venez nous chercher ! Si vous écoutez ce message, je vous en prie … »
Dialogue
- Elle : Mais Mr. Meunier, il n’est que 8 heures. Vous êtes déjà ici?!
- Lui : Je vous attendais !
- Elle : Mais, on avait dit 9h pile, non ?
- Lui : … pour prendre le train à 9h37 …
- Elle : Avec moi, vous n’allez jamais rater un train ! À mon âge, je préfère venir tôt, avoir le temps d’attendre l’ascenseur, prévoir des pauses … Elle réfléchit … Mais vous ? Une heure d’avance – que se passe-t-il ???
- Lui : …
- Elle : Dites-le-moi ! Que faites-vous à la gare une heure avant notre rdv ?
- Lui : Madame Schmitt …
- Elle : Oui ?
- Lui : Madame Schmitt … Il cherche à changer de sujet … Pour vous c’est bien pire… Vous avez dû quitter la maison à 7h !
- Elle : Vous savez bien que j’ai dû passer au chenil pour voir si mon Toutou va bien. Il me manque, mon vieux caniche, mais c’est mieux comme ça…
- Lui : Je sais bien. Et puis vous avez dû passer chez Florentin pour prendre le petit-déjeuner …
- Elle : Pas encore aujourd’hui ! … Euh, oui…. Mais comment le savez-vous ???
- Lui : …
- Elle : En tout cas – vous qui êtes depuis si longtemps à la retraite déjà, vous n’êtes pas du genre lève-tôt qui s’engage pour être en avance …
- Lui : Madame Schmitt, aujourd’hui …
- Elle : Je vous écoute … elle le regarde
- Lui : Aujourd’hui c’est pour …
- Elle : Et puis vous avez dû prendre du temps pour vous préparer : mettre ce nouveau costume et nouer cette jolie cravate, alors, dites-moi …
- Lui : Madame Schmitt, aujourd’hui c’est pour … BON … Je voulais être sûr de ne pas vous faire attendre. Pour une fois je voulais être le premier au rendez-vous. En fait, c’est ce qu’on m’a appris – il ne faut jamais faire attendre une dame à laquelle on veut demander …
- Elle : Demander … ???
- Lui : Madame Schmitt, Elsa, si vous permettez, … Voudriez-vous prendre un café avec moi ?
Sabé