Une étincelle de magie dans la vie ordinaire

ORDINAIRE ORDINAIRE… selon Tonio

« ORDINAIRE « 

ordonnance, maladie, convalescence, revenir à l’ordinaire, à l’ordre, désordre, ordonner, coordonner, ranger et déranger, dérailler, jouer, s’amuser, sautiller, s’envoler, être libre , rire, re-spi-rer !

Playdoyer pour ou contre l’ORDINAIRE :

Oui, ordonner, mettre de l’ordre, organiser ma vie…mais j’aime improviser, m’échapper. Nous étions faire quelques achats « de première nécessité » de l’autre côté de la frontière, et voilà que j’aperçois la neige sur les hauteurs de la Forêt Noire. « Et si on montait là-haut… allons-y ? » Le vent dans la forêt, éclairée par la neige. Un ciel gris, mais la neige à perte de vue sur les collines. On a fini par avoir froid, l’auberge était fermée. Retour à la maison. La tête vidée, lavée, reposée par le blanc de la neige.

Ode à l’ordinaire

Ordinaire, ordinaire, comme un ver, petit ver de terre, verre en verre, verre de cristal, terre de cristal, lucide, froide et étale. Fragilité de l’instant, ordinaire, ordinaire, la vie de tous les jours, la vie des amours. Donner des mots et du temps, prendre le temps d’écouter l’amie. Elle qui pleure la vie et la mort subie, elle toute angoisse devant la mort, le traitre blotti. Elle s’effondre de peur de cette lourde vie, alors être dans l’ordinaire avec mon amie, ma chère et fragile amie.

O = eau, océan; R = roulis, rêve, rouler; D= demain; I= île dans l’océan; N=naviguer, nager; A= aérien; I-îlot, island, Insel ; R= rapidement; E= échapper, éloigner, étranger

Il était une fois dans un monde ordinaire un enfant …  Déjà un peu plus grand, peut-être même un adulte. Et cet enfant voulait voir l’océan, il voulait voir les roulis, les vagues, et entendre leur roulement. « Demain, j’y vais ! »

Il naviguait alors jusqu’à une île, « eine Insel im Ozean ». Il avait réussi à s’échapper, léger comme une mouette. Heureux de cette nouvelle liberté, aérienne, bien qu’un peu seul sur la plage secouée par le vent. Mais voilà qu’arrive au bout de la digue, un vieux chien, un nouvel ami ?

Station service Mobiloil de Trudo de E. Hopper

Les adieux

« No, Harris, no, I’m really sorry… mais je n’en peux plus. Je m’en vais, Harris darling, un jour tu comprendras. Je dois partir, j’étouffe. Ma place n’est plus ici. Harris, please, ne m’en veux pas, laisse-moi y aller. I’m so sorrry, darling. « 

Elianor avait pris son sac et claqué la porte d’entrée. Subitement, il avait réalisé qu’elle avait préparé ce sac de voyage depuis un certain temps déjà. Qu’elle avait même pris son manteau de pluie beige et le petit chapeau gris.

Le vieux chien avait sauté sur le fauteuil près de la fenêtre et, comme Harris, il regardait Elianor s’éloigner sur la route goudronnée. L’air au-dessus de la route noire vibrait, depuis des mois le soleil de midi cognait dur.

Elle doit aller vers l’arrêt de bus, pensait Harris, le seul endroit d’où elle pourrait partir de leur petite maison. La maison que le couple habitait depuis trente-cinq ans, cette maison où elle avait mis au monde leur fils, John, il y a trente ans, et cette maudite maison où elle avait pleuré tant et tant d’heures.

Il est tard. La nuit vient de tomber, Harris sort vérifier une dernière fois la pompe à essence. Ça aussi c’est son job, la pompe apporte un petit supplément.  De temps en temps, un voyageur vient faire le plein. Dans cette région où les champs s’étendent à perte de vue, peu de voitures s’égarent. La pompe à essence met un peu de beurre dans les épinards. Avant, les champs de maïs rapportaient pas mal, mais le soleil d’été brûle de plus en plus souvent sur pieds les céréales qu’il vendait à bon prix il y a encore quelques années. Depuis la mort de son père Harris senior, il avait dû céder la moitié des champs à son frère aîné. Et là, devant le notaire, il n’y avait rien à discuter.

Avec la chaleur des nuits d’été, il faut vérifier que les becs des pompes soient bien raccrochés. Un accident est vite arrivé. C’est la dernière chose qu’Harris fait tous les soirs avant de se coucher, avant de lire quelques lignes dans sa bible et d’éteindre. Le chien revient avec lui dans la maison et se couche à la cuisine. Le vieux chien se couche toujours sous la table, comme si c’était sa niche. Un chien errant qui un jour les avait choisis comme sa famille. Un bon chien, fidèle comme la faim.

Harris monte dans la chambre, se rince la bouche, pose son dentier jaunâtre dans un verre à eau à côté du lit et prend sa petite bible en cuir noir. La nuit est étouffante, rien à faire. Il se relève et prend une douche. Même l’eau de la douche est tiédasse, la vieille canalisation chauffe.

Il ouvre sa bible, Mathieu 6, 14 : “Si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi ; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos offenses“.

Harris regarde le ciel noir d’encre devant la fenêtre ouverte, pas un souffle d’air. Au loin, aboie le chien du voisin, enfin, si on peut dire voisin de quelqu’un qui habite à deux kilomètres et demi.  La chaleur stagne dans la chambre, dans la cour, dans le jardin trop sec, dans les champs arides et dans la plaine brûlée. Harris entend son cœur battre dans son crâne.

« Pardonner, yes I will . » Harris avait beaucoup pardonné, il était patient et même tellement patient et généreux qu’on le prenait des fois pour un idiot.

Il avait pardonné que sa mère lui ait toujours préféré son frère, que son père le battit pour rien, qu’Elianor aille si souvent à l’église qu’il avait dû admettre qu’elle y retrouvait le père Charles, et que ce n’était pas que pour prier, répéter les gospels pour le dimanche suivant, décorer l’autel pour Thanksgiving ou se confesser.

Harris avait encaissé et pardonné toute sa vie. Et maintenant qu’il fermait ses yeux, il entendait la porte qu’Elianor avait claquée. Comme une gifle.

Elianor avait pris une chambre dans le petit motel près de la plage. Le matin, elle entendait la rumeur des vagues, même si la chambre la moins chère ne donnait pas sur la mer, elle pouvait entendre le grondement des rouleaux. Le ciel au-dessus des garages était d’un bleu navy. Ce fier et lumineux bleu de la marine américaine. Elle n’avait presque pas dormi, tout était revenu, comme l’odeur écœurante et acre des égouts remonte les jours d’orage. La naissance de son bébé, Johnny, son beau garçon, son petit toujours impatient, son fils espiègle et joueur. Puis, il était devenu son grand John, étudiant fier et droit dans son uniforme de l’Ecole de la marine. John parti au Vietnam, laissant un grand vide dans la maison. L’attente des cartes ou rares lettres.

Un midi, la lettre est arrivée, cette enveloppe verte olive annonçant qu’il était tombé dans un combat, là-bas. Elle se souvint qu’une nuit noire était tombée sur ses yeux et qu’elle s’était réveillée allongée sur leur lit. Le vieux Doc Miller se penchait sur son bras, il lui avait pris la tension.

« C’est l’émotion, ma pauvre Elianor, c’est l’émotion. Un si jeune homme, pardonnez-moi, mes amis, je suis touché. Toutes mes condoléances, vraiment de tout cœur toute ma fidèle amitié vous accompagne, Harris et toi. « 

Doc Miller lui avait ordonné quelques jours de repos, ne pas sortir avant la cérémonie, le plus possible se reposer et boire beaucoup de thé frais. Eviter le soleil. Doc Miller avait demandé à son épouse d’aider Elianor à préparer son départ.

Elle se souvenait juste de la sonnerie aux morts, le son aigu d’une trompette et ensuite le défilé cadencé des « boys »de la Marine. Ils avaient mis un drapeau sur son cercueil. Les « boys » portaient le même uniforme que John. Quelqu’un avait fait un discours – aucun souvenir, pas un mot, il ne restait qu’un grand vide dans sa mémoire. 

Les amis de John, ses camarades, tous aussi jeunes étaient là, silencieux. Leurs visages pâles et graves comme coupables. Tout cela était là dans sa tête, comme un bloc de béton. Ce jour-là, son cœur s’était rétréci. Il était rentré dans sa coquille d’escargot, elle étouffait sous la chape de chagrin. Elainor aurait voulu se coucher avec son bébé dans sa tombe.

De de retour chez eux à l’ombre du grand chêne près de l’église, il y avait eu le défilé des habitants, leurs pauvres mots de condoléance qui n’en finissait pas. Elle avait dû prendre une chaise pour ne pas s’évanouir à nouveau.

Elle pouvait encore entendre les pas rapides de John qui descendait l’escalier. Elle pouvait encore voir ses grandes mains qui lui tendaient l’assiette. Elle pouvait encore entendre son rire quand le chien attrapait le ballon au vol. Elle l’entendait pleurer quand il était tombé de son premier petit vélo.

 » Je suis morte avec mon fils », elle l’avait souvent pensé sans jamais oser le dire à son mari. Ce pauvre Harris encore plus ridé, taiseux et maigre depuis la mort de son unique fils. A quoi bon maintenant la ferme, les champs, tout ce dur travail qu’il ne pourra transmettre à personne.  Dans ces années-là Harris avait dit à Elianor :  » Ecoute-moi bien, Elianor, je donnerai tout à l’Eglise. Toi, tu auras la maison, ma retraite et mes économies. Mais les champs, la grange, le tracteur et les machines, je donnerai tout aux pauvres. Au moins, j’aurai fait une chose utile dans ma vie.  » Voici ce qu’il avait dit, son vieux Harris, inconsolable du chagrin de leur unique fils que la guerre leur avait pris.

A l’église Harris avait bien entendu les mots de consolation du pasteur.  Mais si, il le reverra, son grand John. Le Seigneur nous accueillera dans sa vaste demeure et que là-bas nous serons tous unis dans l’Amour inconditionnel et éternel, dans la belle fraternité de la plus grande des familles, celle de notre Seigneur. Oui, il y aura petit John et aussi sa mère Eliette, son père Harris senior, son premier chat Milky, le cheval de son grand-père Doland  …

Un grand ciel bleu envahissait la chambre d’Elianor au motel. Elle avait pris un verre de café glacé, au moins ce petit cadeau, elle pouvait se l’offrir. Sortir, marcher, boire un café glacé avec une boule de vanille sur la dune et regarder les vagues.

Puis elle avait marché une heure sur la digue le long de la plage et ses pas l’avaient ramené vers l’arrêt de bus. Elle était remontée dans le bus. Sa maison était là-bas.

De loin Elianor voit la voiture du Doc Miller devant leur maison. Cette voiture noire vibre au soleil de midi. Comme un grand cercueil noir, pense-t-elle le temps d’un éclair. Alors elle court, elle trébuche, elle tombe sur le macadam, elle saigne du genou, elle avance en boitant vers leur maison.

Le chien lui fait la fête, il lui fait mal en griffant son genou blessé. Elle entre dans le couloir sombre et voit le Doc sortant de la cuisine, le visage grave, refermant sa sacoche.  » Ma pauvre Elianor, Harris n’est plus avec nous. Viens ma chère Elianor, donne-moi le bras, viens t’asseoir au salon, nous allons ensemble dire une prière pour ton mari Harris. »

 » Notre père …. ».  Elianor écoute la voix du vieux Doc Miller dire calmement cette prière. Elle ne retrouve pas une phrase de cette prière mille fois récitée depuis son enfance. Elle n’en reconnait pas un seul mot. C’est comme si elle ne l’avait jamais entendu.

 » Notre père …  » Elianor revoit son père, le jour elle entrait à son bras dans l’église pour épouser Harris. Je n’ai eu qu’un père pense-t-elle, et c’est mon père, celui qui m’a appris à rouler à vélo. Celui qui m’a appris tous les noms des plantes de la ferme.

A présent elle se sent vide. Elle se voit de l’extérieur, une forme immobile, comme une montre qu’on aurait oublié de remonter.

Elle prend une grande inspiration. Le Doc dit toujours sa prière. Alors elle sent doucement, tout doucement quelque chose qui s’enlève de ses épaules. Elianor sent qu’elle marchera sur une longue route, seule, avec le vieux chien à côté d’elle. Sans but, juste marcher.

Tonio

ORDINAIRE, ORDINAIRE, selon Sabé

Ordinaire – grille de mots

O – Océan

R – Rails

D – dérouté   (verwirrt!)

I – intimité

N – nul

A – aspirer

I – indicateur

R – rouler

E – exemple

Il était une fois dans un monde ordinaire…

dans l’intimité d’un petit port à l’autre bout de l’océan surgit de nulle part : cette vieille barcasse bleue, signe indicateur secret de la prochaine livraison.

À coté du village portuaire, des wagons qui ne roulent plus sur les rails garantissent la meilleure planque et en vu de ce gardien dérouté, la contrebande devient parfaite.

Exemple de survie.

Pour ou contre l’ordinaire

Vivre. Chaque jour. De jour en jour, pendant cette année bouleversante. La vie de tous et de chacun.

L’extraordinaire devient le quotidien, l’ordinaire. Suis-je pour ou contre ?

Hors  de question, l’extraordinaire est ordonné.

Je préférerais choisir.

Et à la fois, je ne suis pas capable de choisir, de préférer l’un plus que l’autre.

Un jour pareil à l’autre, ce long enchaînement : se lever, manger, travailler, se coucher sans interruption, me tue. Il n’y a plus de créativité, plus d’enthousiasme, plus de nouveaux souvenirs, mon cerveau s’endort, ma vie s’endort, je m’endors, morte quoique vivante.

Hélas ! Mais cet extraordinaire nous sert une variante chaque jour.

Effarouchée par tous ces changements de vie, du travail, des règles, des loisirs, des relations et même des amitiés, quand aucun planning ne survit plus la prochaine semaine, le prochain jour, parfois même pas la prochaine heure – je suis épuisée. Tout cet extraordinaire me fatigue.

Je cherche mes repères dans l’ordinaire, le rythme de mes jours. Inspirer. Souffler. Activité et repos. Réflexion et lâcher prise … afin d’affronter l’extraordinaire.

L’un n’est pas vivable sans l’autre.

Ordinaire ordinaire

suivant les traces de nos mères

nourrir, sourire, servir

à la vie, la soutenir

Ordinaire ordinaire

la vie à venir,

contre tout désespoir

voir – il y a un futur

Ordinaire ordinaire

porté par nos pères

leurs efforts, leurs pleurs

bien cachés – aimés

Ordinaire ordinaire

de jour en jour

encore – un – pas –  pour

nourrir, sourire,

un jour mourir

dé-couvrir

d’ordinaire

vers le ciel cette échelle

d’étincelles 

Station service Mobiloil de Trudo de E. Hopper

Essence

« La vie ordinaire est une vie de détails, une vie vue de près, de beaucoup trop près, ça colle, on s’englue, et on fini par ne plus bouger … » *

… ne plus bouger. Ne plus bouger que ces quelques pas entre les trois pompes à essence, ma petite cabane et le dépôt à sa gauche. Quelques pas autour. Je ne me promène même pas dans la forêt, cette forêt trop dense, trop sombre, trop terrifiante qui abrite ces créatures maudites.

Je n’avais jamais voulu rester ici. Arrivé à cette station il y a 2 ans, je comptais y travailler quelques semaines, le temps que ma famille me rejoigne pour ensuite vivre dans notre nouvelle maison déjà louée dans la ville à 10 miles d’ici. Une nouvelle vie devait commencer pour nous, mon épouse devait intégrer l’école qui enfin l’avait accepté comme maitresse, mon fils était déjà inscrit à son nouveau club de rugby… Et jusqu’à ce que je trouve un bureau qui m’embaucherait, j’acceptais de travailler comme pompiste auxiliaire, puis on verrait.

On n’a rien vu. Le jour de l’arrivée de ma famille, j’étais de l’équipe du matin. Ils voulaient passer chez moi avant de gagner la ville. Quand j’avais presque terminé mes heures, ils m’ont averti qu’ils arriveraient même plus tôt que prévu.

Presque.

Car lorsque je les ai vu s’approcher. De loin. Un de ces chiens sauvages, mi-chien, mi-loup, émerger au bord de la forêt et sauter sur la route. En un clin d’œil, impossible d’arrêter la voiture. Tout allait trop vite. Un bruit sourd du choc du chien contre la carrosserie, un deuxième bruit effrayant lorsque la voiture se collait contre l’arbre. Je restais figé sur place.

Je n’ai jamais déménagé dans la nouvelle maison. Ils m’ont autorisé à m’installer dans la petite cabane blanche. Il n’y a plus d’équipes, c’est moi qui suis en charge de la station, jour et nuit, pour les rares clients qui y passent.

Je me tiens debout. Je fonctionne. Enlever le robinet, remplissage du réservoir, reposer le robinet, encaisser les Dollars, regarder s’éloigner les voitures vers cette ville.  Les matins et les soirs, je nettoie toute la station, je balais la rue, je ramasse des bouts de papier jetés par des clients négligemment; je polis les pompes, je range dans la petite boutique les bidons de coca dans les étagères, je vérifie l’illumination de la station, chaque ampoule, je monte sur l’escabeau coulissant et j’essuie la poussière de l’enseigne lumineuse.

Me voici, immobilisé dans les gestes de mon quotidien. Je ne regarde pas vers l’autre bord de la route dont les derniers rayons du soleil qui se couche montrent le même vide comme d’ordinaire. Dans quelques instants, je trouverai refuge dans ma cabane, juste un dernier tour pour que tout soit propre. Mais c’est quoi ça ?!? Quelqu’un a coincé un papier entre les jerricanes d’huile – un papier…? Une lettre – qui m’est adressée… à moi…

Sabé

*Incipit, extrait de Adèle van Reeth : « La vie ordinaire »

ORDINAIRE, ORDINAIRE, Selon Yoan

Ode à l’ordinaire

Ordinaire, Ordinaire ! tu piques les orgueilleux jamais alignés sur le Présent ;

Ordinaire, ordinaire ! ton ronflement répétitif fait disjoncter les agités du bocal ;

Ordinaire, Ordinaire ! dans ton regard tu figes les faux-semblants à ton rythme semblable ;

Ordinaire, Ordinaire ! comme tu es reposant par ton pas nonchalant ;

Ordinaire, Ordinaire ! il me faut tellement d’autres ressources pour te saisir que mes effets de toge ;

Ordinaire, Ordinaire ! sans les stimulus de la cité tu me laisse nu et vrai ;

Mettre mon souffle au creux de ton thorax olympien me régénère et cela me propulse dans l’extraordinaire ;

Ordinaire, Ordinaire ! non seulement tu ne refrènes aucune de mes pulsions, mais tu es au contraire mon accélérateur de particules de Vie.

Soleil du matin de E. Hopper

Vous vous mettez dans la peau du peintre qui est en train de créer son œuvre, de saisir cet instantané et d’imaginer la vie ordinaire que vit son personnage, l’étincelle de magie qui pourrait surgir à tout instant

« Le couché de soleil inversé »

« La vie ordinaire est une vie de détails, une vie vue de près, de beaucoup trop près, ça colle, on s’englue, et on finit par ne plus bouger. »*

La femme représentée sur te tableau semble à première vue comme hypnotisée et paralysée par le spectacle qui s’offre à elle au travers de cette fenêtre, lucarne sourde, à défaut d’être aveugle, sur le monde extérieur qui n’attend pas après elle.

Elle se sent démunie face à cette autre réalité qui la défie dans sa torpeur, et cela  l’englouti à cet instant présent. Dans le confort douillet de sa chambre, elle imagine sans mal le sentiment de peur qui agite cette humanité complexe. Un sentiment d’impuissance la percute et la désarme, car elle se sent toute petite et inutile  devant  la fourmilière qui s’agite au-dehors, et à laquelle elle ne prend pas sa part ici-même.

Elle se questionne sur sa contribution à ce monde, qu’elle perçoit de sa chambre comme un théâtre de marionnette.

Elle contemple ce miroir et cherche à saisir quelques échos de la ville. Elle se demande en son for intérieur en quoi elle contribue à ce spectacle si lointain.

Elle se dit finalement que l’existence n’est qu’une représentation à l’infinie de la commedia dell’arte amalgamée à de la réalité à vif… du fictionnel parfois sordide, mélangé à des sentiments vrais et authentiques. Elle ne sait plus très bien faire la part des choses, mais accepte d’être vulnérable et inutile.

Que peut-elle bien pouvoir apporter concrètement, claquemurée dans sa tour d’ivoire et impassible ? Ne faut-il pas juste humblement se laisser  submerger par ce tableau vivant.

Elle sent bien que le fait de ne pas avoir d’emprise directe immédiatement sur le cours des choses et le lot de sa condition trop humaine.

Sa passivité, son arrêt sur image, est tout le contraire des apparences trompeuses, car elle se questionne avec sincérité sur le bienfondé de ses interactions avec ce monde. Elle se confronte à sa propre ombre qui lui tient compagnie, en usant de l’introspection, vraie richesse méconnue.    

La femme sent que son immobilité est  précieuse par certains égards, et n’a rien d’immorale ou coupable. Ce  moment de fixation lui permet de contempler le monde, tel qu’il est en Vérité, sans les artifices ordinaires de l’agitation.  Elle se dit que c’est comme regarder un coucher de soleil à l’envers, avec dans ce cas-là le regard des Dieux et non l’inverse. Peu importe si ces derniers nous trouvent désolant, gauche et futile, car leur mansuétude à notre égard sera toujours plus puissante que leur consternation.

Aussi infime que soit son emprise sur le temps présent, le recul de cette femme offre au monde du sens et elle le sait au fond d’elle comme une vérité absolue. Ce n’est peut-être que le propre sens qu’elle y met ou y trouve, pour autant elle participe à sa manière à poser un regard attendri sur ses semblables, et le si peu rejoint alors le « tant et plus ».   

Yoan

*Incipit, extrait de Adèle van Reeth : « La vie ordinaire »

Photo extrait du film de Wim Wenders, Les ailes du désir

ORDINAIRE, ORDINAIRE, Selon Clarisse

Éloge de l’extraordinaire

Seuls les Flamands chantés par Brel ou les mangeurs de pommes de terre peints par Van Gogh peuvent avec une platitude exaspérante se contenter de l’ordinaire. La beauté de l’homme est de toujours aspirer à l’extraordinaire. Jusqu’à la folie parfois… Tel Don Quichotte sillonnant La Mancha, il est de notre devoir de tenter de nous extirper de la gangue de l’ordinaire. Si nous nous étions contentés de l’ordinaire, il y a fort à parier que nous aurions disparu depuis des siècles. L’humanité, c’est la quête parfois démente d’un possible non encore advenu, non ?

Et si vraiment on veut trouver un refuge et se faire un nid, pourquoi ne pas recourir au provisoire ? Prendre une roulotte plutôt qu’un appartement et un amant plutôt qu’un mari ?

Ordinaire, ordinaire

C’est lourd et gluant et bas comme la terre

C’est gris, ennuyeux et bien trop pépère

pour me plaire

Juste bon pour se taire

Ordinaire, ordinaire

J’en voudrais un solaire

Un chaque jour différent

comme le printemps

Même si ça rend dément

Ordinaire, ordinaire

Pourtant de toi je suis tributaire

Sauf à finir tristement solitaire

car tu règles nos vies

Bien qu’j’en ai pas envie.

Soleil du matin

Je suis là, figée sur ce lit, dans cette chambre d’hôtel impersonnelle, seule face à la ville immense et hostile. La chaleur étouffante de cette fin d’après-midi m’englue. Oui, “la vie ordinaire est une vie de détails, une vie vue de près, de beaucoup trop près, ça colle, on s’englue, et on finit par ne plus bouger.”*

Voilà dix ans que je le retrouve là, dans cette même chambre, tous les samedis entre 10h et 12h.

Voilà dix ans qu’il me dit que c’est provisoire, qu’il va bientôt divorcer, qu’on s’installera ensemble.

Voilà dix ans que je fais semblant de le croire, parce que c’est si confortable d’avoir des certitudes, tellement réconfortant d’avoir une relation, fût-elle bancale, plutôt que de se retrouver seule avec soi-même…

Mais ce qui était extraordinaire – notre rencontre “coup de foudre”, le piment de l’amour adultère, l’excitation exacerbée de l’attente – a désormais pris la couleur terne de l’habitude, d’une vulgaire liaison, d’un ridicule triangle bourgeois.

Et aujourd’hui, en ce jour anniversaire, j’ai décidé de dire “ça suffit ! ”, de me lever de ce lit et, par la magie de ma seule volonté, de reprendre mon autonomie. 

Clarisse

*Incipit, extrait de Adèle van Reeth : « La vie ordinaire »

ORDINAIRE, ORDINAIRE, Selon Beevy

Il était une fois dans un monde ordinaire une anomalie d’intérêt général. Comme à son habitude, le gouvernement, avait fait preuve de raideur à l’annonce de cet évènement extraordinaire. Mais là, pas de tergiversation possible et malgré la rigidité des dirigeants, il fallait se rendre à l’évidence : c’était bien un Inuit qu’on avait retrouvé dansant nu sur le parvis de la cathédrale. « C’est bien original ! » s’était exclamée la ministre de l’écologie des opinions durables.

Il faut du courage pour vivre l’ordinaire. Le détailler, le regarder de près, nécessite tout à la fois expertise et distance. Mais comment prendre de la distance quand on a le nez collé à la vitre ? Commet observer son propre rythme sans perdre son souffle ? Comment, jour après jour, aimer la musique du quotidien sans la trouver lancinante ni répétitive ?

Je me lève. C’est le jour. Rien de remarquable. Et pourtant. L’engagement qui est le mien, dans cette vie, avec cette routine, ces contraintes, appellent une certaine forme de dépouillement. L’ordinaire m’émeut, me heurte et me fragilise à la fois. Je l’aime comme je le fuis. Il est mon agenda intérieur. Il me dérange dans mes aspirations les plus folles. Il est d’intérêt général. Je ne peux faire sans lui. Je dois faire avec lui. Je l’aime comme je le fuis.

Ordinaire Ordinaire

Il ne manque pas d’air cet ordinaire

Toujours là à me rappeler ce que je dois faire

Comment je dois me comporter et de quelle manière

Ordinaire Ordinaire

C’est une mère et un père

Le fondement les repères

Ni tyrannique ni autoritaire

Juste là comme un Roi

Ordinaire Ordinaire

Je me débats je me laisse faire

C’est que je dois aimer ça l’ordinaire

Cette musique répétitive ce quotidien

Les contraintes ces petits riens

Ordinaire Ordinaire

Si on y pense c’est extraordinaire

Tout le courage qu’il faut et dont on a besoin

Pour affronter chaque jour le quotidien

Ordinaire Ordinaire

Il ne manque pas d’air cet ordinaire

A s’inscrire dans ma vie mine de rien

A la rendre rien de moins

Qu’extraordinaire

Beevy

ORDINAIRE, ORDINAIRE, Selon Hugues

Humble

Simple,

Clair

Evident

Religion

Militaire

Exceptionnel

Extraordinaire

Contrordre

Ecrire un texte comprenant ces mots que vous avez choisi sur le thème Ordinaire.

Il était une fois dans un monde ordinaire, des ordres répétitifs dû à des autocrates et des soi-disant scientifiques fit de ce monde un vrai désordre ou tout devenait instable. Même les gens neutres, qui faisaient autorité, perdaient leur idéal de vie en réaction avec cet évident capharnaüm qu’était devenu ce monde.

Acrostiche ORDINAIRE

Ordre

Répétitif

Désordre

Instable

Neutre

Autorité

Idéal

Réaction

Evident

ORDINAIRE

Jeune j’étais ébloui pas les vies extraordinaires des grands artistes, des grands hommes et des femmes d’exception… Le rêve d’une vie de baroudeur et de grand sage m’attirait comme si le cauchemar d’une vie ordinaire me terrorisait.

Mais les ans ont passé. Avec l’âge, j’ai appris la patience. Et avec la patience est venue l’humilité… L’humilité d’une vie simple, ordonnée et bien rangée. J’ai choisi mon camp ! Finis les rêves tonitruants d’impossibles histoires pétaradantes tout autour du monde, voire de l’espace. J’ai compris que derrière ce rêve d’adolescent boutonneux et peureux, se cachait en fait la vraie mort, celle de l’âme perdu dans la fébrilité de la fuite du temps vers le futur ou pire le passé.

C’est dans l’introspection, la méditation et l’oraison que j’ai finalement trouvé mon bonheur… Le bonheur simple de ne plus fuir le temps présent, mais de faire corps avec… avec ce présent ou une mort minuscule se loge dans chaque instant de temps. Apprendre à apprivoiser la mort qui se cache dans l’éphémère ! Voilà le grand rêve que je fais en ces jours de confinement ou le virus tueur rode partout. Elle est prête, l’extraordinaire maladie à s’abattre sur ma tête de mécréant quand je m’éloigne trop du petit sentier humble que me trace cette force d’Amour universelle… Celle qui prédestine à la marche du monde ordinaire.

Apologie ou critique de l’ordinaire.

L’humilité de l’Ordinaire

Fut un temps lointain et passé,

Ou l’extraordinaire rêve

M’éveillait moi le passionné

Pour toute ma vie sans trêve.

Puis lentement les ans sont passés

Et avec ces années la patience

S’est installé dans ma vie illuminée.

L’humilité est venue, fruit du sens.

Extraordinaire ou Ordinaire

Dilemme sans réponse claire.

Finie la course peureuse de l’éternité

Finie, la quête sans fin extraordinaire

Finie la rechercher d’ivresse éthérée

Finie la fuite des temps éphémère

Extraordinaire ou Ordinaire

Dilemme sans réponse claire.

Enfin est venue le temps de vie vraie

Enfin est apparue l’oraison stellaire

Enfin est revenu la mort tant aimée

Enfin est l’éternité de l’atmosphère…

Hugues

ORDINAIRE, ORDINAIRE, Selon Patrick

Nuage de mots en rapport avec ordinaire :

basique, banal, train-train, quotidien, prisonnier, authentique, routine, normal, simple, contraintes.

Acrostiche sur Ordinaire puis placer tous les mots dans un texte en écriture automatique commençant par « Il était une fois dans un monde ordinaire ».

Orange

Raconter

Destin

Imaginaire

Naturel

Artificiel

Idée

Ressentir

Elargir

Trajectoires

Il était une fois, dans un monde ordinaire, un homme et une femme dont le destin allait se croiser. Quoi de plus naturel, me direz-vous, mais dans un monde imaginaire ça ne l’est pas. En effet, il est permis d’y raconter n’importe quoi, y compris les choses les plus artificielles. L’idée même d’une rencontre entre deux êtres n’est pas si évidente si on y réfléchit, car en période de confinement, il est difficile d’élargir son cercle de connaissances. Il faut vraiment ressentir une attraction universelle comme l’orange de Newton la ressentit mécaniquement pour la terre où poussent les orangers.

Pour ou contre l’ordinaire

Echappatoire

Contre la dictature du lien quotidien

Qui l’air de rien nous traite de vauriens

Contre la normalité de la routine assassine

À laquelle la société nous destine, nous confine,

Fuir la banalité de l’étreinte qui éreinte

Pour épouser l’empreinte des ardeurs éteintes

La vie n’est pas cette musique basique

Le chemin authentique ignore le viatique.

« Je ne suis pas le numéro zéro » s’écrie le prisonnier.

En traçant le Z de Zorro de la pointe de son pied.

Du train-train des rudes habitudes imposées

Les contraintes sans crainte il faut faire exploser

Exprimer tout ceci depuis mon asile fut facile

Le réaliser ? Plus indocile sera l’exil.

Transformer le texte précédent pour le rendre (plus?) poétique en utilisant une construction anaphorique : Ordinaire, ordinaire…

Réconciliation ?

Ordinaire, ordinaire,

Tu régentes notre quotidien.

Ordinaire, ordinaire,

Ne sommes-nous donc que des vauriens ?

Ordinaire, ordinaire,

Parfois ta normalité nous endoctrine.

Ordinaire, ordinaire,

Es-tu bien ce à quoi la société nous confine ?

Ordinaire, ordinaire,

Chacun vit la banalité de tes contraintes.

Ordinaire, ordinaire,

Sous tes braises percent des ardeurs éteintes.

Ordinaire, ordinaire,

On voudrait te réduire au basique,

Ordinaire, ordinaire,

Je cherche la voix de l’acide authentique,

Ordinaire, ordinaire,

Prisonnier de mon matricule,

Ordinaire, ordinaire,

Je me rêve en héros à particule.

Ordinaire, ordinaire,

Libre de délaisser ta geôle enfin

Ordinaire, ordinaire,

Il suffit de troquer le masque contre un chemin

Ordinaire, ordinaire,

De fer à la manière d’un pré vert,

Ordinaire, ordinaire,

D’élargir son regard à la terre entière.

Ordinaire, ordinaire,

Avec toi je veux bien composer

Ordinaire, ordinaire,

Pourvu que tes frontières je puisse exploser.

Ordinaire, ordinaire,

Pardon d’avoir été si critique,

Ordinaire, ordinaire,

Un jour il faudra que l’on s’explique.

Patrick

ORDINAIRE, ORDINAIRE, selon Régine

Ordinaire, ordinaire

Tu me réconfortes

Car tu sais que je suis forte

Incapable de me mettre en pause

Il faut tout le temps que j’ose


Ordinaire, ordinaire

Tu siffles à mes oreilles ce temps de pause

Puis là où tu veux, je me dépose

J’irai, soit, le temps d’une courte escapade

Puis reviendrai l’esprit agité, avec en main toujours cet iPad


Ordinaire, ordinaire

Comment fais-tu pour me priver de mes émotions ?

Alors que je passe ma vie à m’engager dans cette construction ?


Ordinaire, ordinaire

Je me glisse en toi comme dans un bain

Comme tu sais ce qui me fait du bien

Et puis soudain tu m’agaces sans fin !


Ordinaire, ordinaire

Je suis lassée tes répétitions

Fatiguée de ta séduction

Coupable de te pas arriver à t’aimer

Responsable de te fuir

Pourtant je t’ai cherché

Et j’ai échoué.

Régine