Transformation

« Parcourir un espace, c’est toujours raconter une histoire. » C. Minard

Au programme :

Une aventure d’écriture entre deux lieux :

  • Visite guidée d’une librairie associative en chantier Le fil rouge. Récolte sur place de mots, d’impressions, d’observations, d’histoires en vrac…
  • Suivie d’un atelier de jeux d’écriture créative dans la partie atelier d’une épicerie zéro déchet Beevrac, pour transformer cette collecte d’instantanées saisies sur le vif en récits, poèmes ou histoires courtes

Cadre :

Certains quartiers dans nos villes se transforment peu à peu : des logements et commercent éco-responsables voient le jour, des manufactures ou ateliers d’artisan se transforment peu à peu en nouveau lieu de partage et d’échange… Le thème de ce premier atelier d’écriture pour le quartier du vieux Cronenbourg est tout trouvé.

Définition

Action de transformer

Opération par laquelle on transforme – Conversion

La transformation des matières premières

Faire des transformations dans une maison (amélioration, aménagement, modification, rénovation)

2) Le fait de transformer : modification qui en résulte (changement, métaphore – développement différenciation)

Transformation chimique : modification de la composition d’un corps, d’un mélange dans une réaction.

3) Modification du patrimoine génétique d’une cellule par introduction d’une information génétique étrangère.

Transformable

Transformateur

Transformationnel

Transformer

Transformisme

Transformiste

EN CHANTIER

DEVANT UN MUR….

AU SOL                                      la dalle

                                                            Béton

Seaux noirs empilées, 10, 6…

DEDANS                                              outils, marteaux, burins

                                             Balayettes

Sacs                                           bleus, blancs

DEVANT 

Le mur

                           Délabré, griffé, empreinte

Traces       

                    Colles, plâtre, tapisserie

FACE A MOI deux yeux me fixent…

                                        Fin de canalisations

Picasso

Nouveaux réalistes

Art brut

Un visage

    Étonné

    Triste

    Interrogatif

A COTE         Tuyaux gris du sol au plafond            

Fils

HAUT BAS

AVANT APRES

 Marie-Odile

Ça ne tenait plus qu’à un fil.

Depuis longtemps il était sur le fil du rasoir . Les banquiers lui avaient mis le fil à la patte, les huissiers lui donnaient du fil à retordre.

Il avait envie de filer à l’anglaise mais c’était sans compter le fil qui le reliait à son quartier.

Il ne dormait plus. Il était difficile de suivre le fil de ses pensées . Il n’y avait aucun fil conducteur. C’était décousu, et s’il avait dû le dérouler, on se serait dit, « c’est idiot, c’est bête, il a pas du inventer le fil à couper le beurre celui là ».

Mais, de fil en aiguille, la bobine se dévidant, les idées étaient venues.Un fil rouge était apparu en voyant cette bobine abandonnée.

Des lettres s’étaient formées dans le fil de ses pensées ; puis des cascades de mots, formant peu à peu des phrases, qui avaient pris place sur des pages , qui s’étaient logées dans des livres.

Les livres s’étaient entassés sur des rayonnages et un beau matin, ce fil qui lui avait donné tant de fil à retordre était devenu un fil d’Ariane, allant de la couture à l ‘écriture puis à la lecture.

Une librairie était née.

Françoise

Ne pas perdre le fil de sa pensée…

               J’arrive devant l’échoppe —3— marches …

Du fil à retordre

Je suis en fauteuil roulant comment faire pour entrer

Ne pas me défiler                                désir de découvrir

La curiosité mon fil conducteur, me fait persévérer.

Du fil en aiguille, on m’aide à entrer …et là

               DECOUVERTE

Lieu en chantier, matières, posées au sol, planche, isolation, échelle

Le visuel                   le plafond se défait, il tient à un fil

Le chantier                     beauté du lieu, empreintes

                 Traces du passé

En imagination                  les étagères, le café, les livres

               LE FIL CONDUCTEUR

Le livre, créer du lien…

Et maintenant sortir, ne pas filer à l’anglaise, PARLER, DIFFUSER

Quartier

École

Marie-Odile

Anémone, perdue dans le fil de ses pensées, passe la porte de la librairie-café. Elle lève les yeux vers les rayonnages et rencontre un livre intitulé « L’inventeur du fil à couper le beurre ». Intriguée, elle s’en empare, le feuillette, et de fil en aiguille, se retrouve assise au sol à en dévorer chaque mot, chaque page. Elle se fond presque dans le décor, le fil du temps semble se défaire, se déliter, se tordre, s’emmêler… Est-elle assise ici depuis dix minutes, une heure ou trois heures ? Impossible de savoir.
Il y a des livres comme ça, qui nous font lâcher le fil d’or qui nous relie à la réalité et au temps du monde. Un fil qu’on lâche, un autre qu’on attrape : celui qui nous lie à notre temporalité personnelle, secrète, unique…

Cindy

Atelier d’écriture, la consigne de l’exercice : Libre – air – riz / vibre et rit : la tambouille des mots ou à chacun sa cuisine ! (clin d’œil à Sabine)

Poussée par mon amour, mon goût des livres. Je suis là devant les portes, impatiente, de commencer mon exploration, de partir à la découverte. Je rentre dans l’espace de la librairie et déjà je suis transportée, par l’odeur si particulière qui se dégage des ouvrages, ce mélange de papier et d’encre, qui tout de suite me met en appétit… C’est avec gourmandise que je m’interroge : quelle sera la saveur de ma prochaine lecture ? Seraient-ce les notes plutôt traditionnelles d’une littérature classique ou celles capiteuses et profondes d’une prose qui porte à la réflexion ? Ou alors, mon choix se portera-t-il sur la légèreté et le côté sucré d’ouvrages divertissants et joyeux ? Peut-être me laisserais-je tenter par les 1000 senteurs du dépaysement et du voyage ? Je déambule dans les allées, au milieu des rayonnages, qui font un espace feutré, chaleureux et accueillant. Cet intervalle, si particulier, qu’il réussit tout à la fois et étrangement, à mêler le sentiment d’une totale sécurité, avec le fait que tout peut arriver. Je me laisse porter, je papillonne, ici interpeller par un titre, une couverture, là par un résumé alléchant, ou encore par un commentaire comme une mise en intrigue qui me pousse à lire quelques passages, comme on goûte un met, une sauce avant de les servir. Et soudain c’est la rencontre, le moment magique, ça y est, il est là entre mes mains fébriles, je le reconnais, c’est une évidence. La magie, en un instant s’opère, tous les ingédients sont là, présents entre ses pages ! Alors je suis embarqée, je pars en voyage, le nez plongé dans les mots qui défilent sous mes yeux et qui ont ce pouvoir extraordinaire de transformer soudainement l’espace qui m’entoure, je suis transportée dans un ailleurs. Ces mots qui disent, qui créent et me font vibrer… ces mots qui me disent, me transforment et me nourrissent. En cet instant, j’existe, je suis au monde… par ces mots, dans ces phrases, je sors de moi- même, les yeux brillants, je plonge dans ce nouveau monde qui s’offre à moi. Grace à cette passerelle je me prépare à la rencontre de l’Autre.
Laurence

D’un lieu à l’autre….

Ne pas perdre le fil

« Imaginer dans une cuisine un plat savoureux de l’enfance et en même temps parler d’un livre que nous avons aimé à un enfant »

Les ingrédients à préparer c’est déjà un voyage …

Épices, coriandre, fenouil Zaatar. L’orient à ma porte et dans mon assiette. C’est comme Isabelle Eberhard, qui animée de curiosité et d’aventure, voyage et ose se fondre dans une autre culture.

Dans mon plat aussi les saveurs se mélangent, saveurs connues, inconnues.

Subtil équilibre

Isabelle une femme qui ose la transformation, le transfuge pour vivre une expérience de l’intérieur.

Changement de posture, se cache sous des couches de tissus, turbans, vêtements.

Elle est un Autre.

Les lasagnes aussi, couches superposées, saveurs uniques, sauces qui se mélangent.

Les couleurs

Afrique du nord, chaleur, couleurs chatoyantes

          Rouge orange   jaune

Et dans mes mains à l’identique

          Rouge orange  jaune

Ce livre, un voyage des mots, incitation au voyage, ouverture d’esprit

Esprit d’aventure, découvrir, ressentir, sentir

Émotion, émerveillement, grâces de ce que je reçois dans ces moments simples

          CUISINE toucher les aliments

                           Être touchée par les mots

           MANGER

Partager un plat          échanger autour d’un plat

Échanges autour d’un livre      rêves         souvenirs

           EMPREINTES   TRACES MEMOIRE

A l’intérieur        lasagnes         couches        superpositions

A l’intérieur de moi

Nommer les choses

Voyage, frontières, passages…PASSEUR ?

Marie-Odile

A partir du livre de Isabelle Eberhard « Le voyage soufi » et les lasagnes au poisson…

Je me souviens qu’elle aime les fruits et les légumes crus. J’avais pour habitude autrefois, de les lui couper en morceaux que je disposais en forme de mandala dans une assiette. Un mandala coloré qui nourrit le besoin d’harmonie et de beauté, avant de nourrir le corps. Elle avait alors deux ans. Aujourd’hui, elle en a vingt. Elle n’est plus l’enfant que j’ai connue. Mais l’enfant de deux ans vit encore quelque part en elle, et c’est à elle que je pense en préparant aujourd’hui à nouveau une assiette de fruits. Elle va arriver à tout moment. Et tandis que je coupe délicatement une mangue, l’odeur me ramène en Asie, où j’ai voyagé il y a longtemps. C’était un voyage initiatique, comme celui que vit Goldmund dans ce livre de Herman Hesse que j’ai tant aimé lire durant mon premier voyage en solitaire. Comme Goldmund, j’ai vécu au jour le jour, me laissant porter par les rencontres, les aventures et les opportunités. »Tiens, je dois bien avoir ce livre quelque part… »Je délaisse un instant le plateau fruité et je me dirige vers ma bibliothèque, où je ne tarde pas à trouver « Narcisse et Goldmund ». Je le tiens entre mes mains et je sens à contact que lui aussi souhaiterait poursuivre son voyage. Nous avons vécu de belles aventures ensemble ; nos chemins se séparent à présent. Sa nouvelle compagne de route frappe déjà à la porte…

Cindy

Quand avait-il cuisiné pour la première fois ? Quand avait-il acheté un livre pour la première fois dans une librairie ? Il ne se le rappelait pas vraiment, ce qui le plongeait dans des abimes de réflexion. Aussi changea-t-il quelque peu le thème de l’atelier d’écriture, qui lui était proposé, plutôt que d’essayer de réécrire la madeleine de Proust. Il se souvenait pourtant des plats que ses parents lui faisaient dans son enfance. Le « porc au lait »‚ dont la recette perdue ne l’empêchait pas de sentir encore la texture grumeleuse de la sauce, de revoir la couleur jaune ambrée du plat et son inimitable gout aigre-doux. Un plat pourtant simple, mais qui lui rappelait la cuisine étroite et allongée où la famille  mangeait. Le « broyer du Poitou »‚ associé pour lui au souvenir des cures thermales que suivait son père à la Roche-Posay, le gâteau traditionnel du Poitou, servi le Dimanche dans les repas familiaux, un fin biscuit, comme un biscuit breton, mais au goût beaucoup plus crémeux sans être gras, bien loin du côté étouffant du fameux Kouing Aman breton. Cela lui fit revenir en mémoire le fameux Pellaprat de ses parents, un livre de recettes de cuisine, entre le livre de recettes utilisables et le ‚ « livre plaisir » qu’on a chez soi, mais qu’on utilise peu car réservé aux cuisiniers avertis, bien avant que la mode à la Tv en soit venue au « top chef »‚ « le chef en cuisine » et autres ‚ …

Jean-Louis

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Un poète gourmet

Où je suis né, l’art culinaire était exclusivement l’affaire des femmes. Quelle ne fut ma surprise, une fois sorti de l’adolescence et après que j’eusse emprunté les sentiers de l’exil pour étudier, de découvrir que des hommes pouvaient en faire leur métier, et que leurs étoiles brillaient au firmament de la gastronomie.

Bien sûr, l’histoire nous apprend que de tout temps, le cuisinier fut à l’honneur dans toutes les cours des souverains et des puissants, employé à flatter leurs palais de mille délices gustatifs. Il en fut ainsi de l’Egypte antique, des palais de Mésopotamie, de la Chine impériale ou de l’Inde des maharadjahs, des Médicis florentins. Plus près de nous, Vattel et ses émules ont fait la renommée des banquets royaux de France et de Navarre.

De nos jours, les grands chefs ont pignon sur rue, stars adulées des émissions de télé-réalité, promus ambassadeurs du bon goût qui a valeur d’atout touristique pour tout pays qui s’en honore. Mais il n’y a pas que les grands chefs qui comptent des virtuoses de la sauce dans leurs rangs.

Il me souvient d’un ami qui, mieux que personne, alliait l’art du mariage des épices et le maniement des mots à travers ses poésies, ses nouvelles et romans, pour vous transporter dans un monde ou tout critique littéraire ou gastronomique perdait son latin. Il ne se voyait pas en chef, malgré une virtuosité certaine, mais plutôt en esthète, en mission de perpétuation d’un art de vivre qui  inexorablement semblait échapper à ses contemporains.

Fin lettré et écrivain de renom[1], il concevait ses plats comme il composait ses livres. A chacun son histoire, pendant des envies ou des besoins d’envolée du moment. C’est dire si chaque repas était un projet soigneusement mûri. Il choisissait d’abord un thème, ce qui dans son univers culinaire était synonyme de saveurs et d’odeurs. Cela renvoyait au dépaysement de Paris vers ses Ardennes natales, ou ces contrées lointaines qu’il savait visiter en explorateur du bon goût, ayant eu la chance de par son métier, de faire plusieurs fois le tour du monde. Certains repas vous renvoyaient à un pays donné, parfois à un endroit précis, ou se rattachaient à des personnes rencontrées dans des circonstances particulières, toutes choses qu’il exposait à la demande avec des mots choisis, toujours drôles et bienveillants.

Une fois qu’il avait dressé l’épure d’une telle promesse d’extases gustatives, il allait s’approvisionner chez des commerçants qu’il savait fins connaisseurs et amoureux des bons produits des terroirs français ou étrangers. Client fidèle, chaque épicier se faisait un malin plaisir de lui mettre de côté ce qu’il y avait de meilleur, car il ne rechignait jamais sur les prix. C’est ainsi qu’il recevait régulièrement des coups de fil qui annonçaient l’arrivée de champignons, de truffes ou de  fruits de mer.

Une fois rentré chez lui, il étalait ses trouvailles sur la grande table de sa cuisine et les humait tour à tour, les regroupant en chapitres suivant les bouquets et le futur émoustillement de ses sens. Tout était ensuite affaire de temps, de relâchement et de poésie gourmande pour le maestro.

Il confiait qu’il imaginait alors tel invité envoûté par tel fumet, tel autre ébahi par telle saveur, et salivait d’avance à leur allégresse de table. L’assaisonnement était fonction de l’ambiance qu’il souhaitait créer autour de ses convives, histoire d’asseoir un repas, comme il aimait à le dire.

Il disait que la connaissance des vins était sans doute son point fort, héritage de son grand-père bordelais qui lui avait appris à les mirer et à les goûter dès l’adolescence. Pour lui, chaque gorgée était une promesse d’évasion vers un terroir précis.

Qu’il fût seul à manger ou en compagnie, que ce fût le soir où à la mi-journée, un repas ne se prenait jamais sans l’éclairage des bougies qui donnaient un reflet particulier à ses trouvailles culinaires. Et jamais deux fois les mêmes bougies, car cela aurait sans doute été une faute de goût !

Léonard


[1] Claude-Michel Cluny (La Grandville, 1930 – Paris 2015), avec qui j’eus le plaisir de faire quelques voyages culturels outre-atlantique. Grand prix de poésie de l’Académie française, prix Renaudot de l’essai, prix européen de poésie Léopold Sédar Senghor, il était poète, critique littéraire, critique cinématographique, nouvelliste et romancier français.

Souvenir de lecture

L’enfance, c’est l’ennui. Il ya a bien sur les jeux dans la cour de l’école, les alliances, les mésalliances, les disputes, les rires. Mais ça ne vient pas recouvrir le gouffre de l’ennui qui se creuse en moi depuis longtemps. La directrice de l’école, qui n’est pas ma maîtresse, repère certainement cela en moi. Comment ? Je ne le sais pas. Peut être une certaine réticence à suivre les autres, une ou deux secondes de décalage quant à rire ou adhérer à ce qui se dit; un regard un peu dans le vague. Elle me convoque un jour. J’arrive les jambes un peu tremblantes car il ne peut s’agir que d’une bêtise, une réprimande. Je suis étonnée de constater qu’elle m’accueille gentiment et me donne une clé. La clé qui ouvre l’armoire vitrée, à deux battants qui protège la bibliothèque de l’école et abrite la collection Rouge et Or, la tranche pastel du Club des 5, du Club des 7. Elle me montre où cette clé est cachée et m’invite à venir chercher des livres dès que j’en ai envie, à condition de les remettre à leur place. En fait, je reconstruis cette dernière phrase. Je ne pense pas qu’elle ait mis une condition à cette faveur. Elle savait avant moi que j’aurais le plus grand respect pour les livres, que ce serait la passion qui me sauverait de la vie quand elle est trop moche pour être vécue. Depuis, je ne pénètre jamais dans une bibliothèque, une librairie, sans un frisson d’excitation mêlé à une grande plénitude. C’est un yoga portatif , sans tapis, sans postures, sans respiration ventrale, si ce n’est un souffle plus court face à un bonheur qui s’annonce.

Françoise

Prologue : à la fin de l’atelier, nous avons lu le texte de Nadine qui aurait voulu y participer, mais n’a pas pu. Sur le thème de « la transformation », elle a composé un dialogue inspiré et nous l’a partagé :

TRANSFORMATION ou papi fait de la résistance

– Mais enfin ma chère enfant, c’était bien mieux avant !

Nos champs, nos villes et même nos animaux.

Tant de belles choses naissaient entre les mains des artisans

Et vois ce monde de béton qui te tient lieu de berceau.

– Mais papi…

– Tu verras petite, tu comprendras en grandissant

Que mes semblables ont abîmé, détruit, pollué, tué

Se croyant alchimistes, ils ont osé se moquer du couchant,

Soleil de nos jours anciens qu’ils se fichent de voir briller

– Mais papi

– Attends belle enfant, je vais te raconter encore comment

Ils ont perdu toute notion de notre belle langue : un vrai big bang !

Ils ont maudit la grammaire, méprisé le verbe et le complément

Délaissé sur l’autel de la modernité une syntaxe exangue

– Mais papi…

– Je t’entends ma douce et serai à toi dans un instant mais d’abord

Je dois te décrire sans relâche la beauté des temps anciens,

Ce continent intérieur que seuls mes souvenirs foulent encore

Terre vierge immaculée de tout chamboulement contemporain.

– Mon bon papi, ta nostalgie est douce mais ton amertume est étrange

Es-tu resté le même et n’as-tu vraiment jamais changé toi-même ?

N’as-tu jamais pensé que même au paradis les anges

Furent tous humains et vivants avant l’ultime requiem ?

– Bien sûr mon enfant, mais cela n’est nullement pareil !

J’évoque là autre chose que moi-même. Si tu veux me convaincre

Il te faudra argument plus cinglant à mes vieilles oreilles

Et je crains que tu sois en peine à trouver le moindre.

– Puisque c’est ainsi mon bon papi que le monde s’envisage,

Je retourne dans le ventre doux de maman et me revoilà cellule

Je gomme tes enfants et te rends à tes ancestraux rivages

Où tu pourrais errer à ta guise tel l’ombre d’un somnambule

– … …. ….

– Car enfin la vie est mutation, la vie est transformation

Que pourrais-je créer sur les seules ruines de ta mémoire ?

Je ne veux naviguer sur les cendres de ta génération 

Que pour porter l’avenir et semer les fleurs de l’espoir.

Nadine

L’ AVANT….

Photos (Marie-Odile Wagner)